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9 janvier 2013 3 09 /01 /janvier /2013 15:12

CHAPITRE QUATRIÈME

 

C’est l’été qui approche. On le sent bien par la chaleur du jour. C’est elle qui nous donne l’espoir de la saison magique qui approche. Là où tout existe en une seule saison. La lumière du jour apparait bien plus tôt et disparait bien plus tard. C’est le temps de l’année où on entend toutes les conversations qui disent la même chose, le même refrain. C’est l’été et nous serons enfin libres. Du moins, c’est ce qu’ils disent dans les villes, ceux qui ne vivent pas près de la terre. Ils préparent leur saison de liberté. Ils nettoient leurs entrées, leurs autos. Ils font le ménage de leur maison. Ils rangent tout ce qui pourrait leur rappeler qu’il y a d’autres saisons dans l’année. Toutefois, nous, c’est tout le contraire. Nous ne pensons qu’à ce que les autres veulent oublier. L’été qui s’annonce porte la promesse de l’abondance et du bien-être du reste de l’année. C’est là, c’est le moment de l’année où il faut tout donner, tout expérimenter, tout organiser. Selon nous, il est là tout le plaisir, loin d’être un fardeau. C’est notre liberté qui sonne à la porte et nous sommes heureux de lui ouvrir, car elle est de la bien belle visite.

 

Les matins de Juin ont du mal à nous quitter. Surtout quand ils sont accompagnés par une pluie fine qui ne cherche qu’à faire obstacle à l’arrivée de cette visite tant attendue. La cuisine d’été a beau être fraîche en sa saison, elle l’est encore plus avant et après. L’humidité est partout et on peut la sentir. Elle accentue toutes les odeurs. Autant le parfum de l’herbe qui s’infiltre par je ne sais pas où que celui des vieilles boiseries qui dévoilent leur âge sans en être gênées.

 

Je sorti par la porte de la cuisine d’été qui se referma derrière moi par un claquement sourd qui se mélangeait au clapotis de l’eau qui s’écoulait du toit le long de la galerie et qui s’écrasait sur la rampe. Mes premiers pas sur le sol pressentaient déjà le sentier instable qui, imbibé par la pluie de la nuit, menait à la grange. Par-delà le fossé entre les deux terrains que je dû franchir avec prudence, le petit chemin façonner à même mes nombreux aller et retour était boueux et coulant. La terre ne s’était pas encore remise de la ponction des bâtiments de l’automne d’avant. Après avoir démoli les structures et évacué les débris, ces hommes avaient niveler le terrain avec de la machinerie lourde. La terre était argileuse. Sans recouvrement de verdure quelconque l’eau des pluies demeurait bien longtemps à la surface et rendait le sol boueux et glissant. J’allais un pas devant l’autre vers la grange, tenant à la main le sceau d’eau que j’apportais pour les volailles. Il n’y avait pas d’eau courante dans le bâtiment et pas d’électricité non plus. Je devais transporter l’eau à chaque jour à l’aide d’un sceau. J’avais déjà vu pire.

 

Quand j’étais petit, chez mon oncle, nous devions faire la même chose. À différence que les sceaux étaient plus gros et plus nombreux et nous bien plus petits. Moi et mon cousin, devions faire deux voyages avec chacun deux sceaux sur une distance d’environ cinquante mètres de la maison jusqu’à l’étable. Parfois, la lumière du jour n’était même pas levée. Nous marchions à travers la noirceur de la nuit guidée par une seule ampoule fixée au-dessus de la porte de la grange. Les sceaux étaient tellement lourds que j’en oubliais mêmes les ténèbres et tout ce qui pouvait s’y terrer et nous espionner.

 

J’étais presque rendu à la grange, et la pluie avait cessée. J’accélérais le pas, bien assuré du chemin déjà parcouru, mais c’était une erreur de s’y fier. Un de mes pieds s’écarta de sa voie sur la terre argileuse et je perdis l’équilibre sans avertissement. Je valsais d’un côté et de l’autre afin de la reprendre. Le sceau quant à lui, s’était déversé un peu partout comme s’il n’y avait pas déjà assez d’eau sur le terrain. Il fallait que j’en rajoute. Je restais là, immobile quelques secondes comme si je tentais de faire le point, d’y trouver une explication, mais dans le fond, il n’y en avait aucune et il n’y avait rien à faire. À l’évidence, je dû rebrousser chemin pour aller rechercher de l’eau. À mon retour à la main, Line me regardais par la fenêtre de la cuisine qui donnait sur les marches de l’escalier avec un sourire. Il était clair que cela transpirait la moquerie. Alors que j’entrais dans la maison afin d’aller remplir le sceau elle me lança d’un ton moqueur comme quoi le train du matin avait été rapide aujourd’hui. Je lui répondis qu’elle faisait preuve de bien d’humour aujourd’hui aussi. Je retournai sur le chemin sur de moi-même, sur de prendre le temps de me rendre sans revenir jusqu’à la grange et faire ce que je devais. Trempé jusqu’à la moelle, les volailles m’offrirent leur accueil chaleureux comme ils avaient l’habitude de la faire chaque fois que j’entrais dans la grange. Ils étaient tous là à m’attendre. J’oubliai que j’étais mouillé, que j’avais froid, j’oubliai tout. L’odeur de la paille, du grain que je versai dans leurs mangeoires, même l’odeur de leurs fientes me faisait tout oublier.

 

 

Cette même journée, alors que j’étais au travail, je réfléchissais au fait qu’il fallait ajouter un nouveau membre à la famille. Toutefois, ma pensée se heurtait constamment au même problème. Celui de savoir comment nourrir ce nouvel animal convenablement, sans m’en remettre qu’aux clichés habituels le concernant. C’est tout simple un cochon. Quand on a vu tellement souvent cette bête dans les films de tous genres. Il est sale, il se roule dans la boue. Il mange n’importe quoi. Il est cochon quoi. Toutefois, qu’en est-il véritablement? Il fallait que je déniche ces informations avant d’entreprendre toutes démarches en vue d’en accueillir un dans notre monde.

 

Quelques jours plus tard, je réussis pendant ma pause du diner à rencontrer un représentant et conseiller auprès des agriculteurs et des éleveurs du Québec. Un agronome, ils appellent cela. C’est l’appellation technique moderne du vieil habitant à qui on se référait pour toutes questions relatives au comment, quand et pourquoi. Très sympathique, il accepta de répondre à quelques-unes de mes questions, malgré le fait qu’il savait que je n’étais pas un de ses clients présent ou futur. Il m’a expliqué tout le système d’élevage à partir de la maternité jusqu’à l’abattage. Ensuite, il m’a expliqué les règles d’hygiènes concernant le logement des porcs. Ils doivent avoir un endroit propre et pas trop grand, car il faut que l’animal utilise son énergie pour transformer les nutriments en viande et non pas en dépense de mouvement. Un plancher un béton pour assurer la salubrité de son logement. Les planchers mous et poreux sont sujets à abriter plus de bactéries et autres bestioles qui pourraient être nuisible à l’animal. Non, les cochons n’aiment pas être sales, au contraire. La seule et unique raison qu’ils se roulent dans la boue et pour se protéger de la chaleur et des insectes, notamment des tiques. Pour ce qui est de ses déjections, ils constituent un ferment naturel pour les bactéries qui y prolifèrent à un rythme effréné. Voilà pourquoi les porcs étaient souvent affectés par les vers qui sont qui dangereux pour l’Être humain. D’où la raisons qu’avant il était de mise de bien faire cuire la viande de porc afin de tuer les vers afin qu’ils ne se transmettent pas à l’Homme. De plus, l’élevage du porc doit être unique dans une entreprise agricole. Point de vue animal, il ne doit pas côtoyer d’autres animaux tels que les volailles ou les moutons afin d’éviter les infections croisées. Il faut aussi, selon ses dires, laver ses chaussures à chaque entrée et sortie de la pièce où on est en contact avec les porcs.

 

Il va sans dire que tout ce que j’entendais de sa bouche, me semblait bien loin de ma réalité, de celle que j’avais vécue étant jeune. De ma propre expérience personnelle, les cochons vivaient avec tous les autres et oui, ils se roulaient dans la boue et bien d’autres choses. On les nourrissait avec de la bouette d’un mélange de nourriture réduite en poudre et de l’eau. Nous versions cela dans un bac en bois et les cochons se jetaient là-dedans comme s’ils n’avaient jamais mangé de leur vie.

 

Tout au long de la conversation, il me semblait que cet homme ne faisait que me faire la description d’un produit que l’on vend sur les tablettes d’un magasin. Je veux dire, aucune émotion liée à l’animal ne transpirait de son vocabulaire. Pour lui, cela se résumait à une liste de points à prendre en compte lors de l’élevage et la manipulation du produit en question. Un peu comme le document que j’ai encore en ma possession qui mentionne à l’aide d’un tableau les quantités de nourritures à donner à l’animal selon son âge, en nombre de semaines, le poids qu’il devait avoir à un point précis du calendrier. Rien d’autre.

 

En fait, toutes ses connaissances étaient liées à l’élevage intensif à grande échelle du porc. Et ces élevages faisaient partie d’un grand système mis sur pied par les agriculteurs d’un peu partout au Québec avec pour objectif de protéger leur industrie. Ils n’avaient pas tort dans un certain sens, car de l’autre côté des frontières, autant américaines qu’ontariennes, les règles qui régissaient ces élevages n’étaient pas les mêmes, loin de là. À grand coup d’argents, de subventions de toutes sortes, ils réduisaient les coûts de productions d’élevage qui rendaient le produit plus abordable. La menace était bien réelle. Un faible coût de production aurait permis de distribuer la viande de porc dans les grandes chaines d’alimentation à un prix moindre, ce qui aurait bien entendu fait l’affaire des consommateurs. Ce que ces derniers ne savaient pas ou qu’ils ne voulaient tout simplement pas savoir est que ces prix étaient artificiels et aux détriments de nos éleveurs à nous. Il faut ajouter que se déchargement de produit à bas prix à l’intérieur de nos frontière aurait forcé les producteurs du Québec à réduire les leurs et dès lors que eux ne soient pas subventionné par nos gouvernements, ils n’auraient tout simplement pas pu être viable bien longtemps. Cela aurait signé l’arrêt de mort de l’industrie porcine au Québec. Elle est là la réalité et elle n’est pas rose. Il est bien d’être conscient de ces choses-là, mais nous n’étions intéressés que par le fait de pouvoir élever nos animaux avec des paramètres plus humains. Que cet élevage puisse être réalisé avec des produits communs et accessibles et à un prix abordable. En fait en y repensant, nous voulions la même chose que les grandes industries, mais à plus petite échelle. Nous visions l’autonomie de notre toute petite industrie.

 

Rencontre intéressante et instructive je dois avouer, mais elle n’avait pas répondu à mes questions. Je devais trouver ailleurs comment nourrir le cochon, quel genre de toit lui offrir et combien de temps j’allais devoir le garder et surtout comment j’allais pouvoir le transformer jusqu’à nos assiettes.

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